FACT-CHECKING : Retour sur la 1ère réunion publique, le 27/10/2022 à Dieppe, du débat sur la construction de nouveaux réacteurs nucléaires

PRISE DE PAROLE DES VOIX AU DÉBAT PUBLIC DE LYON

Est-ce que tout le monde a passé un bon week-end ? Pour lancer cette courte semaine bien d’attaque, on vous propose un petit retour sur la première réunion publique, jeudi dernier, sur la construction de nouveaux réacteurs nucléaire EPR. Sous l’angle du fact-checking.

Pourquoi sous cet angle assez restreint ?

Parce que la Commission particulière du débat public (CPDP) qui supervise ces événements a décidé que, puisque le nucléaire est un sujet clivant, tous les points de vue doivent pouvoir s’exprimer sans vérification sur des bases factuelles.

PRISE DE PAROLE DES VOIX AU DÉBAT PUBLIC DE LYON

Et donc il n’y aura pas de fact-checking qui viendrait à déprécier un point de vue au profit d’autres. Et bien nous, l’idée que tous les points de vue se valent, nous n’y adhérons pas. On considère qu’un bon débat doit s’appuyer sur de bonnes informations.

PRISE DE PAROLE DES VOIX AU DÉBAT PUBLIC DE LYON

On vous propose donc quelques exemples entendus lors de cette réunion publique qui ne peuvent décemment pas être appelés « points de vue » et qui ne contribuent pas à un débat éclairé et bien informé. L’opinion doit être libre tant qu’elle est légale mais n’est pas un fait.

1°/ « le mythe d’une énergie bas-carbone, c’est occulter toute la chaîne industrielle de cette filière, de l’extraction à la gestion des déchets, en passant par la construction des centrales », d’après Véronique Bérégovoy, conseillère régionale EELV.

Nous vous laissons prendre connaissance de la décomposition du bilan carbone du nucléaire français, selon une étude d’EDF suivant une méthode normalisée, parue cette année.

Et vous laissons juge de la nature de ce « point de vue, ci-dessous :

PRISE DE PAROLE DES VOIX AU DÉBAT PUBLIC DE LYON

En fait, si l’on prend uniquement la production d’électricité nucléaire, les émissions de CO2 par kilowattheure, c’est quasiment zéro. Idem pour l’éolien, l’hydraulique ou le photovoltaïque. Mais on doit toujours regarder au-delà de la production, en effet.

On mène donc une analyse en cycle de vie. Une étude qui prend en compte toute la filière industrielle, de la mine au stockage des déchets. On fait toujours ça. Et c’est là-dessus que s’appuie, donc, le « mythe » du nucléaire bas-carbone…

2°/ « le développement de l’exposition dosimétrique demandée par les sous-traitants, c’est inqualifiable, ce n’est pas pensable », d’après Dominique Boutin, de France Nature Environnemnt.

Et pourtant, la dosimétrie, ça se qualifie et, figurez-vous, ça se quantifie !

 Dominique Boutin fait allusion à une actualité récente, dont parle par exemple cet article « Les entrepreneurs de la FDE assouplissent les limites d’exposition aux radiations pour accélérer les réparations du réacteur ».  

Et l’explication tient en une image. La sous-traitance s’est alignée sur les limites de dose en vigueur chez EDF. Soit bien en-dessous de la réglementation. Et nettement en-dessous de la dose à laquelle on commence à redouter un risque pour la santé.

PRISE DE PAROLE DES VOIX AU DÉBAT PUBLIC DE LYON

3°/ « il y a trente-trois milliards de mètres cubes d’eau prélevés dans l’environnement par an, on en restitue 40% mais dans des conditions de dégradation impossibles. » affirmation de  Monsieur Boutin.

Monsieur Boutin continue (bien au-delà du temps de parole qui lui était accordé…) :

Il s’appuie sur le rapport environnemental 2020 publié par EDF et, visiblement, il a lu le document : l’information se trouve p.28, mais cette quantité représente l’ensemble des prélèvements du pays, tous secteurs confondus !

L’intervenant a lu, mais mal lu.

Pour les conditions de rejet, elles sont fixées par les autorités compétentes, EDF effectue un suivi régulier qui est publié. Le suivi est contrôlé par les autorités qui réalisent elles même des prélèvements et vérifient la cohérence entre les rejets déclarés et leurs mesures.

Des associations dites « indépendantes » comme la CRIIRAD ou l’ACRO sont également agréées pour faire des mesures, et alertent les médias au moindre écart, après quoi des enquêtes sont généralement réalisées par les autorités et les résultats publiés.

4°/ « on importe tout notre uranium et, en ce moment, aussi de la Russie », Pauline Boyer de GreenPeace.

Nous avons choisi ce seul élément, il y en a d’autres.

Ici la vérification est assez simple, Libération a répondu à ces affirmations le 05 juillet 2022 dans un article intitulé « L’uranium importé en Europe et en France provient-il «très largement» de Russie comme l’affirme Yannick Jadot? »

Et puis France Info, en octobre dernier, « VRAI OU FAKE. Nucléaire : la France importe-t-elle de l’uranium de Russie, comme l’affirme Cécile Duflot ?».

La fin de l’intervention de Pauline Boyer est aussi à mettre en perspective venant d’une représentante d’un lobby qui milite depuis 40 ans pour se passer de la principale source d’électricité bas carbone du pays.

Manifestement avoir été mis en tort par des vérifications factuelles ne dissuade pas de répéter les mêmes affirmations trompeuses dans un autre cadre où, et c’est assumé, au moins il n’y aura pas de fact-checking.

Nous sommes au moins d’accord sur le fait qu’il faut s’ancrer dans la réalité.

On peut légitimement s’interroger sur le fait que ces différents éléments puissent être simplement qualifiés de « points de vue », et contribuent à informer correctement le public.