La chaleur des centrales nucléaires pour chauffer nos maisons

Le nucléaire : une solution pour chauffer nos villes et réduire notre empreinte carbone

En France, le nucléaire nous fournit déjà 70% d’électricité bas-carbone. La chaleur générée par ces centrales pourrait également subvenir à la moitié des besoins énergétiques de la France en chauffage et eau chaude sanitaire.

L’atome a un rôle majeur à jouer dans l’alimentation bas-carbone de réseaux de chaleur. Ces grands réseaux de canalisations qui parcourent certaines villes ont pour but principal de chauffer les maisons et entreprises ainsi que l’eau sanitaire. Une tâche herculéenne : le chauffage constitue aujourd’hui le premier poste de consommation d’énergie en Europe, avec plus de 50 % de la consommation totale [1]

Les réseaux de chaleur présentent plusieurs avantages : efficacité énergétique, mobilisation des énergies renouvelables et locales, potentielle diminution des émissions de gaz à effet de serre, maintien d’une meilleure qualité de l’air intérieur, centralisation des nuisances liées à cette production de chaleur… Ils nécessitent toutefois un investissement initial important, et ne sont adaptés qu’aux territoires à forte densité thermique (quantité de chaleur consommée par mètre de canalisation déployé).

Si jusqu’à présent, la production de chaleur pour l’alimentation des réseaux de chaleur est encore tirée à 88,3 % des combustibles fossiles [2], à mesure que les économies se décarbonent, leur bilan environnemental est voué à considérablement s’améliorer. Dans ce cadre, l’énergie nucléaire représente une alternative idéale. La grande quantité de chaleur générée par la fission dans le cœur du réacteur peut en effet être mobilisée pour chauffer nos maisons et entreprises, en plus de produire de l’électricité. On parle ainsi de « cogénération ».

D’après l’AIEA [3], les réacteurs refroidis à l’eau (eau légère et eau lourde) produisent de l’eau chaude ou de la vapeur atteignant 300°C, alors que les réacteurs refroidis par un gaz — peuvent produire une chaleur industrielle allant entre 540°C — pour l’hélium ou l’anhydride carbonique – et 950°C – pour les réacteurs graphite-gaz. De plus, les pertes sont moins de 2% pour une distance de 100 kilomètres [4].

Actuellement, seule une part minime de cette chaleur est mobilisée, le reste étant rejeté dans l’environnement. Correctement collectée, cette chaleur pourrait pourtant subvenir à la moitié des besoins énergétiques de la France en chauffage et eau chaude sanitaire [5]. Son utilisation permettrait non seulement une économie d’énergie colossale, mais elle ferait considérablement baisser nos factures de chauffage. Des avantages considérables alors même qu’EDF prévoit de raccorder 3,4 millions de nouveaux logements à un réseau de chaleur d’ici à 2023 [6].

Le cas pratique : la centrale de Nogent-sur-Seine   Ce site implanté à 120 km de Paris pourrait produire 9 TWh thermiques par an, soit une fois et demie la chaleur injectée sur le réseau parisien. En se substituant aux moyens de chauffage actuels, cela correspondrait à une réduction de 1,4 million de tonnes des émissions de CO2 de la ville par an [7].

Sur les 432 réacteurs en exploitation dans le Monde, 74 sont déjà rattachés à un réseau de chaleur. En France, des horticulteurs bénéficient de l’eau chaude produite par les centrales du Bugey (Ain), de Chinon (Indre-et-Loire), de Cruas (Ardèche), de Dampierre-en-Burly (Loiret) ou de Saint-Laurent (Loir-et-Cher) et les centrales de Civaux (Vienne) et de Golfech (Tarn-et-Garonne) alimentent plusieurs espaces municipaux (écoles, maisons de retraite, mairies, piscines ou encore zoo).

Malgré un potentiel très important, le rôle du nucléaire dans les réseaux de chaleur est donc encore marginal. Une réelle volonté politique est requise pour développer les infrastructures nécessaires à la cogénération – dont l’investissement serait rapidement compensé par le faible coût de la chaleur issue des centrales.

Réseaux de chaleur, état des lieux : La Russie est le premier pays à recourir aux réseaux de chaleur avec plus de 17 000 systèmes de chauffage, desservant 44 millions de clients. Ils sont alimentés à 98 % par des énergies fossiles, dont 75 % de gaz naturel [8]. Arrive ensuite la Chine, dont le réseau se développe rapidement. Le pays a réalisé une première mondiale en connectant la centrale nucléaire de Haiyang, entre Pékin et Shanghai, à un réseau de chaleur. Le Japon développe également d’importants réseaux de chaleur profitant de la haute densité de population du pays [9]. En Europe, on trouve environ 6 000 réseaux pour 100 millions d’usagers vivant dans 32 pays [10] – en tête desquels on trouve les pays scandinaves (ils assurent le chauffage de 98 % de la ville de Copenhague, au Danemark). En France, 781 réseaux de chaleur, majoritairement situés dans les grands centres urbains, alimentent 3 millions de citoyens ainsi que les bureaux de 3 autres millions de salariés du public ou du privé.

[1] Euroheat & Power – Country By Country Survey (2017)

[2] Data and statistics – World – Electricity (2018)

[3] AIEA – Les applications de la chaleur nucléaire

[4] Henri Safa, CEA – Le nucléaire pour produire de l’électricité ET de la chaleur

[5] Henri Safa, CEA – Le nucléaire pour produire de l’électricité ET de la chaleur

[6] EDF – Quelle place pour les énergies bas carbone ?

[7] Henri Safa, CEA – “Cogeneration with District Heating and Cooling” (2011)

[8] Planète énergie – Réseaux de chaleur : une utilisation inégale dans le monde (2021)

[9] Planète énergie – Japon : dynamique des « communautés intelligentes (2017)

[10] Planète énergie – Réseaux de chaleur : une utilisation inégale dans le monde (2021)