Réacteurs RBMK

Les RBMK (pour Reaktor Bolshoy Moshchnosti Kanalnyi qui se traduit par « réacteur de grande puissance à tubes de force ») sont des réacteurs nucléaires de conception soviétique datant des années 1970. Ils diffèrent sensiblement des modèles occidentaux du fait de la guerre froide qui a poussé les Etats-Unis à ne pas partager ses avancées industrielles avec Moscou.

Le premier réacteur de ce type a remplacé le modèle AM-1 (Atom Mirnyi, littéralement Atome pacifique) mis en service en 1954. Ce modèle, inauguré en 1973, a été choisi par l’Union soviétique car il produit une grande quantité de plutonium, qui est utilisé dans la fabrication de certaines armes nucléaires (3 kg de par tonne d’uranium brûlé).

Il n’a pas été adopté par les pays en dehors du bloc soviétique, bien qu’il ait existé dans des pays depuis devenus membres de l’Union européenne. A titre d’exemple, les deux réacteurs RBMK de la centrale d’Ignalina, en Lituanie, ont été fermés en contrepartie de l’entrée du pays dans l’Union.

Dans un réacteur à tubes de force, la fission nucléaire est utilisée pour porter de l’eau légère (H2O) à ébullition. Celle-ci sert donc de fluide caloporteur. La vapeur d’eau ainsi générée sert directement à actionner une turbine reliée à un alternateur. Il utilise de l’uranium peu enrichi comme combustible nucléaire (à l’origine moins de 2 %, environ 2,6 % aujourd’hui).

Son nom vient du fait que le combustible au dioxyde d’uranium est stocké dans des tubes de force autour duquel l’eau de refroidissement circule à une pression d’environ 70 atmosphères. L’eau joue le rôle de réfrigérant et fournit la vapeur directement utilisée pour actionner les turbines. De la graphite sert de modérateur afin de renforcer la fission. Un mélange d’azote et d’hélium circule entre les blocs de graphite pour les protéger de l’occupation et améliorer le transfert de la chaleur.

Dans un RBMK, on ne trouve pas de cuve sous pression, mais un grand nombre de tubes verticaux, (les fameux « tubes de force ») contenant le combustible. Le cœur du réacteur est entouré, sur toute sa hauteur d’un réservoir d’eau, lui-même sous une enceinte remplie de sable. En plus du système de refroidissement habituel, un circuit de secours permet s’active en cas de brèche du circuit principal de refroidissement. La structure est aussi séparée en compartiments étanches qui se ferment en cas d’incident. Le système peut supporter la rupture simultanée de neuf tubes de force.

Ce système de sécurité est toutefois jugé trop instable par les spécialistes des pays qui ne l’utilisent pas, en particulier dans les pays occidentaux. Ces derniers ont choisi d’entourer leurs réacteurs d’une seconde enceinte plus dure et plus étanche chargée de mieux confiner en cas de fuite ou d’explosion.

Le RBMK est connu pour être le réacteur de la catastrophe de Tchernobyl. La catastrophe nucléaire la plus importante de l’histoire a permis d’identifier des défauts majeurs inhérents à ce type de réacteurs (voir les défauts ci-dessous). Il convient toutefois de noter que les systèmes de sécurité auraient pu jouer leur rôle et réduire l’ampleur de l’incident s’ils n’avaient été volontairement désactivés pour procéder à des essais. Ils ont donc significativement empiré les défauts de conception du réacteur.

En outre, les réacteurs encore en activité ont fait l’objet d’un programme de modernisation méticuleux. Aussi le niveau de sûreté des RBMK a été significativement relevé. Leur exploitation est prévue pour durer jusqu’en 2035.

Les RBMK offrent plusieurs avantages par rapport aux modèles occidentaux de l’époque :

  • Le chargement et le déchargement du combustible se font en continu, sans qu’il soit besoin d’arrêter le réacteur ;
  • Ils offrent la possibilité de régler le débit de refroidissement canal par canal et donc de contrôler chacun d’entre eux individuellement ;
  • Ces réacteurs contiennent le double d’eau par apport à un réacteur à eau bouillante occidental classique ;
  • Les RBMK atteignent une puissance de 1 500 mégawatts, ce qui représente encore actuellement un record mondial (en attendant la mise en service des réacteurs EPR, qui devraient produire 1 600 mégawatts ou plus).

Ce modèle souffre toutefois d’inconvénients importants :

  • La conception des RBMK exige un cœur de réacteur très volumineux – environ 20 fois celle d’un cœur de REP ;
  • Ils souffrent de fonctionner grâce à un système de refroidissement très complexes et assez lents malgré des mises à jour importantes ;
  • L‘accumulation d’énergie thermique dans les structures métalliques et le graphite rend le contrôle du cœur du réacteur plus difficile ;
  • L’absence d’enceinte de confinement augmente les risques de fuite en cas de ruptures multiples de tubes de force ;
  • Le coefficient de température très positif dans ces réacteurs peut provoquer une réaction en chaîne où une augmentation de la température provoque une augmentation de la réactivité (et donc de la puissance). Cela augmente à nouveau la température, et ainsi de suite. C’est ce défaut qui était à l’origine de la catastrophe de Tchernobyl. Bien que largement réduit par des améliorations intervenues après 1986, ce défaut demeure [1].

La modernisation des réacteurs RBMK : « La modernisation du parc RBMK a coûté cher : environ 300 millions de dollars par tranche nucléaire, soit un total de 3 à 4 milliards de dollars. Une somme importante, mais minime si on la rapproche du coût estimé de la catastrophe de Tchernobyl qui serait de l’ordre de 175 milliards de dollars (estimation qui reste à prendre avec prudence) » [2].

Il demeure 11 réacteurs à tubes de force en activité, tous en Russie (4 à Koursk, 4 à Léningrad et 3 à Smolensk). Ils produisent 1 GWe chacun.