Réacteurs à eau pressurisée & réacteur pressurisé européen

Réacteurs à eau pressurisée (REP)

Les réacteurs à eau pressurisée (REP) ont tout d’abord été développés aux Etats-Unis par la société Westinghouse au début des années 70. Ce modèle visait initialement la propulsion des sous-marins nucléaires, avant d’être adopté dans des centrales. Ils ont ensuite été déployés en Europe (France et Allemagne de l’Ouest), initialement sous licence Westinghouse avant d’être adaptés par les pays hôtes. Le premier REP français date 1978 (avec la mise en ligne des deux réacteurs de Fessenheim)

Une variante russe de ce réacteur a également été développée durant l’ère soviétiques : les VVER (pour Vodo-Vodianoï Energuetitcheski Reaktor). On les trouve encore dans plusieurs anciens pays du bloc soviétique comme la Hongrie l’Ukraine et la Bulgarie, entre autres [1].

Les réacteurs à eau pressurisée fonctionnent grâce à la fission des atomes d’uranium, qui génère une importante chaleur dans le « cœur » du réacteur. Ces derniers utilisent de l’eau fluide ou « légère » (H2O) comme caloporteur – le produit chargé de récupérer la chaleur produite par le cœur – mais aussi comme modérateur. Cette eau est portée à une température de 300°C, mais elle est maintenue sous une grande pression (155 atmosphères [2]) dans le circuit primaire, afin d’éviter qu’elle ne s’évapore. Cette eau primaire va chauffer l’eau d’un circuit secondaire à travers des échangeurs de chaleur ce qui génère de la vapeur. La vapeur générée actionne une turbine couplée à un alternateur, ce qui permet de produire de l’électricité.

L’emploi d’eau comme « modérateur » nécessite certains ajustements, celle-ci absorbant beaucoup plus de neutrons. Afin de compenser ce phénomène, l’uranium utilisé comme combustible doit être enrichi (entre 3 et 5% selon les réacteurs et les pays [3]) afin de produire davantage de neutrons.

Si l’eau « légère » est également employée pour faire office de modérateur, le fait qu’il existe deux circuits séparés. Le fait que la vapeur secondaire qui active la turbine n’est donc pas en contact avec des éléments radioactifs. Elle est recyclée après avoir été condensée.

La vapeur qui s’échappe de la tour de la centrale provient d’un troisième circuit d’eau qui refroidit le condenseur. En France, 98 % de la quantité d’eau prélevée pour les besoins de production nucléaire retourne dans l’environnement sans dégradation [4].

Le cœur du réacteur, où a lieu la réaction nucléaire, est contenu dans une cuve métallique étanche, revêtue d’acier inoxydable et une enveloppe en béton – le plus souvent doublée – afin d’éviter toute fuite vers l’extérieur.

En outre, le processus de fission est très contrôlé : des barres de contrôle en cadmium maintenues par des électroaimants régulent la réaction en chaîne. En cas d’incident ou d’anomalie, elles tombent automatiquement sous l’effet de la gravité dans le cœur du réacteur et arrêtent immédiatement la réaction en chaîne. Ce procédé peut également être enclenché manuellement en cas de dysfonctionnement du système automatique.

L’accident le plus grave survenu à un tel réacteur fut celui de Three Mile Island aux États-Unis, lorsqu’en 1979, une série d’incidents techniques a provoqué la fusion partielle du cœur du réacteur. Bien qu’endommagée, la cuve n’avait alors pas été percée et la partie fondue du cœur (45 %) est restée contenue [5]. Aussi, les rapports scientifiques publiés à la suite de cet évènement concluent que cet accident n’a provoqué ni décès, ni blessures ou effets néfastes sur la santé (rapport de l’université Columbia publié en 1990 [6], du le Comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants [7] ou encore la retrospective cross-sectional study du Pennsylvania Cancer Registry de 2012 [8]).

D’après l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’accident a été un tournant considérable dans le développement mondial de l’industrie nucléaire [9]. C’est en réaction à ce dysfonctionnement qu’il existe de trois barrières dans les REP (la gaine séparant le combustible de l’eau primaire, les parois en acier trempé de la cuve du réacteur et des échangeurs de chaleur ; l’enceinte en béton de la centrale).

En outre, les réacteurs REP sont très stables en raison de leur tendance à produire moins de puissance lorsque la température augmente.

Le combustible (uranium) est conservé pendant trois ans dans le réacteur avant d’être remplacé, car il ne permet de plus de maintenir la réaction nucléaire. Le reliquat recyclé pour être réutilisé comme combustible. La fission produit toutefois également des produits fissiles (ou déchets) qui sont stockés dans une installation spécialement aménagée ou dans des ouvrages souterrains creusés dans un milieu géologique imperméable à au moins 200m de profondeur [10].

Pour autant, les REP ne sont pas exempts de tout reproche. On a vu que l’eau de refroidissement devait être fortement pressurisée pour rester liquide à haute température. Cela nécessite des tuyauteries très résistantes ainsi que des composants supplémentaires (pompes de refroidissement du réacteur, le pressuriseur, les générateurs de vapeur…), ce qui augmente les coûts de construction et peut réduire la durée de vie de la centrale.

De plus, il est nécessaire d’enrichir le combustible d’uranium pour faire fonctionner ces réacteurs, ce qui augmente considérablement les coûts de production du combustible.

Les réacteurs à eau pressurisée émettent chaque année une quantité importante de tritium (un isotope radioactif à vie courte – 12,3 années) du fait de de l’absence de l’élément modérateur de neutrons dans la boucle de refroidissement.

Enfin, l’eau agissant comme un modérateur de neutrons, il n’est pas possible de construire un réacteur à neutrons rapides avec la technologie REP.

Malgré ces inconvénients, du fait de leur bonne performance et de leur sûreté, les REP sont les réacteurs les plus répandus dans le monde – en janvier 2021, les deux tiers des 444 réacteurs nucléaires de puissance en fonctionnement dans le monde, 80 % du parc européen.

La totalité des 58 réacteurs en fonctionnement en France sont des REP.

La production mondiale totale de ces réacteurs est de 221,6 Gigawatts. 

Réacteur pressurisé européen (EPR)

L’EPR (initialement « European Pressurized water Reactor » devenu « Evolutionary Power Reactor ») appartient à la troisième génération de la filière des réacteurs à eau pressurisée. En ce sens, son fonctionnement est très proche des centrales REP (plus de 80% du parc nucléaire en fonctionnement dans le monde [1]), mais il a pour objectif d’améliorer la sûreté de fonctionnement et la rentabilité économique de ces modèles.

Fruit d’une collaboration franco-allemande, il a été conçu puis développé en réaction à Tchernobyl. Les autorités de sûreté allemande et française ont donné leur aval sur ce modèle de réacteur qui commence tout juste à être déployé dans le monde après une longue période de développement et de corrections.

Étant une évolution de la filière REP, le fonctionnement de l’EPR est très similaire : l’énergie émise lors de la fission des atomes d’uranium chauffe l’eau d’un premier circuit où elle est maintenue sous pression pour rester liquide (155 bars). Par l’intermédiaire d’un générateur de vapeur, l’eau d’un second circuit – qui ne sera jamais en contact avec le combustible – est transformée en vapeur, qui va activer une turbine. Une fois actionnée par la vapeur, elle produit de l’électricité. Un EPR permettrait ainsi de produire 1660 MW.

En réaction aux deux grands accidents nucléaires (Tchernobyl et Fukushima), les systèmes de sûreté des EPR ont été conçus pour faire face à des scénarios extrêmes. Le circuit principal est confiné dans le bâtiment réacteur, et la régulation de la réaction nucléaire se fait grâce à des grappes de contrôle qui peuvent tomber en moins de deux secondes [2], et arrêtent immédiatement le réacteur. Il s’agit d’un système automatique et automatique, qui ne nécessite pas d’électricité pour fonctionner, et peut être activé manuellement. Le niveau d’hydrogène est également contrôlé afin d’écarter tout risque de déflagration.

Malgré toutes ces précautions, dans l’hypothèse hautement improbable d’une fusion du cœur, entraînant la fuite de la cuve : compartiment appelé « récupérateur de corium » est conçu pour accueillir le cœur fondu et éviter de contaminer l’environnement. Il sera ensuite noyé dans l’eau ce qui évite toute rupture ultérieure.

Les réacteurs de la centrale sont disposés sur un socle de béton armé de plus de 6 mètres de profondeur, qui la protège des séismes les plus critiques. Un système d’aspersion interne permet de garantir l’étanchéité de la première enceinte et des circuits en régulant la pression. Une seconde enceinte a été placée pour protéger d’une agression externe (ex : chute d’un avion de ligne [3], forte explosion, intempéries extrêmes…).

Ce dispositif est complété par la dispersion géographique des bâtiments sensibles Deux systèmes d’alimentation électrique de secours, utilisant des technologies différentes afin d’éviter une défaillance en chaîne, sont par exemple répartis dans 4 bâtiments eux aussi confinés afin d’être protégés des agressions externes.

En plus des améliorations de sûreté, les EPR présentent un certain nombre d’avantages par rapport aux réacteurs de seconde génération :

  • S’ils sont conçus pour fonctionner avec de l’uranium enrichi à 5 %, ils peuvent également fonctionner avec une diversité dans le choix du combustible (notamment de l’uranium incluant de 15 à 50 % de MOX, combustible mixte contenant du plutonium) ;
  • Ils sont plus propres (rejets thermiques réduits à quantité d’électricité égale, rejets chimiques divisés par 2, les déchets radioactifs réduits de 30% [4]) ;
  • Leur rendement est également amélioré (peut produire 22 % de plus d’électricité qu’un réacteur traditionnel, à partir de la même quantité de combustible [5]) ;
  • Ils permettent un recyclage plus efficace du plutonium ;
  • La durée de vie attendue de ces réacteurs serait de 60 ans au lieu de 40 ans ;
  • Ils sont conçus de manière modulaire, ce qui permet le remplacement rapide d’un composant en protégeant le personnel des radiations, y compris lorsque le réacteur est en service.

En revanche, contrairement aux projets de réacteurs de quatrième génération actuellement en cours d’étude, l’EPR ne permettrait pas d’éliminer les déchets à vie longue. Il est donc voué à être un jour dépassé.

La principale difficulté rencontrée a toutefois été la complexité du développement de l’EPR. En atteste la construction de la centrale de Flamanville, le long de la Manche, lancée en 2007 et toujours en cours. Les retards à répétition qui ont marqué ce chantier ont parfois été imputés à une indécision politique (le projet avait besoin de soutien face à des difficultés répétées). Mais ils sont principalement dus à trois facteurs :

Il s’agit tout d’abord de la première construction de centrale en France en 25 ans. Ce délai important a provoqué une perte d’expertise à cause de laquelle le chantier a pris du retard.

De plus, la co-gouvernance franco-allemande du projet a causé des difficultés de pilotage [6], notamment du fait des exigences du parti écologiste allemand considérées par certains comme étant tout bonnement inatteignables de sorte à rendre l’EPR inconstructible.

Enfin, la catastrophe de Fukushima en mars 2011 a poussé l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à drastiquement rehausser ses critères de sécurité, afin d’écarter tout risque d’incident similaire dans le parc français. Aussi, en pleine construction, il a été nécessaire de remplacer certains équipements – en particulier 8 soudures situées à l’intérieur du réacteur, ce qui ne pouvait être fait qu’en détruisant l’enceinte de confinement pour la rebâtir à zéro.

Les difficultés se sont accumulées sur ce projet. Aussi, si la mise en réseau était initialement prévue fin 2014, la centrale devrait finalement être inaugurée en 2022. Sa facture aura également été multipliée par près de trois.

De même, le projet de réacteur d’Olkiluoto en Finlande, premier chantier de ce type au monde, a pris plusieurs années de retard, occasionnant un surcoût important. Le chantier a notamment été paralysé par un procès opposant le constructeur AREVA-Siemens et l’électricien finlandais TVO. En août 2020, TVO annonçait une connexion de la centrale au réseau en octobre 2021 pour un démarrage de la production commerciale en février 2022.

Deux réacteurs sont en revanche pleinement fonctionnels depuis 2018 sur le site de Taishan dans la province du Guangdong, en Chine. Ils ont été développés par le français AREVA et l’électricien chinois CGNPC. Le site est, par ailleurs, prévu pour accueillir deux autres réacteurs.

En France, EDF a le projet de construire 6 EPR d’ici 2035 pour remplacer les 14 réacteurs REP qui devraient être arrêtés à cette date [7]. D’autres projets sont à l’étude, en particulier en Angleterre, aux États-Unis, en Italie, pour un total de 23 réacteurs [8].