Les Voix à la COP 27

les Voix se sont rendues à la 27ème Conférence sur le changement climatique de la UNFCCC.

Après deux semaines passées à Sharm El-Sheik, l’heure est au bilan. Dans cet article nous vous proposons de revenir sur les principaux enjeux de cette COP et de résumer notre activité et nos impressions sur place.

 

Les enjeux de la COP 27

Celle-ci est intervenue à un moment critique de l’agenda climatique. En 2021, la conférence de Glasgow, censée finaliser les règles d’application de l’accord de Paris, avait largement déçu en échouant à concrétiser les promesses faites lors de la COP21. Les États n’avaient, par exemple, pas réussi à inscrire l’abandon du charbon comme source d’énergie dans l’accord final ou à amorcer la création d’un fond destiné à indemniser les pays et communautés touchés par les conséquences du changement climatique. Étant donné la proximité des échéances exprimées par le GIEC (Atteindre le pic d’émission mondiale en 2030 puis un déclin jusqu’à la neutralité carbone en 2050), les attentes pour l’édition 2022 étaient grandes. 

La COP27 était axée sur quatre thèmes principaux :

Atténuation du changement climatique : Faire en sorte que les États respectent les engagements pris pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris et garder un espoir de ne pas dépasser les +2°C d’ici 2100.

Adaptation : Devant les conséquences déjà inévitables du réchauffement climatique, inondations, canicules, feux de forêt, les États doivent trouver des solutions concrètes pour accroître leur capacité de résilience et protéger les populations. De gros progrès sur la coopération internationale dans ce domaine sont attendus.

Finance : Améliorer la transparence des flux financiers liés aux enjeux climatiques et faciliter l’accès des pays en voie de développement aux sources de financement.

Collaboration : Comprendre que les décisions dans le cadre de l’ONU ne peuvent être prises que par consensus et qu’il est donc capital de faciliter au maximum les échanges et les négociations pour pouvoir enfin obtenir des mesures qui auront un réel impact. Cela doit notamment passer par la participation active des communautés les plus touchées par les conséquences du dérèglement du climat.

Les négociations semblent avoir été menées de façon particulièrement chaotique comme le montre cette prise de parole d’un représentant de l’Argentine, 5 jours avant la fin de la COP: “Nous apprécions de ne pas recevoir les documents à commenter 30min avant de devoir fournir des commentaires alors que 20 min sont consacrées à accéder à la réunion.” La ministre des affaires étrangère allemande Annalena Baerbock a également exprimé sa frustration en constatant une fois de plus que la réticence des plus gros pollueurs et les pays producteurs de pétrole avancer sur les questions d’atténuation du changement climatique et sur la fin des énergies fossiles.

Le résultat final est en demi-teinte. La création du fond d’indemnité demandé par les pays en voie de développement, très touchés par les conséquences du réchauffement climatique malgré une faible empreinte carbone est une victoire notable pour la justice climatique. Mais, sur la question des énergies, le texte final ne parle toujours pas d‘abandonner les énergies fossiles. On n’y parle seulement de « phase down » (réduction) de l’usage de fossiles et non pas de « phase out » (sortie). Point important, l’accord appelle les pays du monde à favoriser les énergies bas-carbone. Si ce terme inclut très clairement l’énergie nucléaire, il est interprété par certains comme englobant également le gaz naturel.

Les Voix, membre observateur

Cette année les Voix ont obtenu le statut de membre observateur, leur ouvrant la porte de la fameuse “Blue Zone”. Nous avons reçu 2 accréditations par semaine de conférence ce qui a permis à Marie-Jeanne Jouveau, Wojciech Zajączkowski (pour la première semaine), Jean-Baptiste Raphanaud et Myrto Tripathi (pour la seconde semaine) d’entrer au cœur de la COP. La « Blue Zone » ressemble au premier regard à un grand salon professionnel, dont les stands auraient été remplacés par des « pavillons » de pays, d’agences de l’ONU ou d’organisations internationales (l’AIEA ou l’ICC – International Chamber of Commerce par exemple). Mais c’est en fait plus que cela, car chaque délégation y dispose de bureaux, d’espaces de rencontres bilatérales et de salles de conférence. L’accréditation permet d’accéder à tous ces espaces ou presque. C’est cette mixité entre diplomates et sociétés civiles qui doit permettre un véritable dialogue. La réalité est évidemment plus contrastée mais à plusieurs reprises, les membres des Voix ont eu l’occasion de présenter leur démarche à des délégations, avec – souvent – des échanges constructifs à la clef. Sur ce point, le format de la COP, bien qu’améliorable, semble irremplaçable.

Si les délégations étaient dans l’ensemble assez peu accessibles, notre présence dans la zone principale nous a permis de rencontrer et d‘échanger dans les couloirs du sommet avec des personnalités de premier plan. Nous avons par exemple assisté à une table ronde au pavillon français sur l’urgence à agir en présence d’Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique. Les discussions informelles dans les couloirs de la conférences furent ensuite l’occasion de présenter à cette dernière, ainsi qu’à Barbara Pompili, ex-ministre de l’écologie, le rapport Terrawater, récemment publié par les Voix.

Nos rencontres internationales

Désireux d’échanger avec les nombreuses délégations internationales présentes, nous avons notamment rencontré les représentants des îles du Pacifique qui nous ont fait part de leur détresse face à la montée du niveau des océans qui menace l’existence même de leur territoire. Nous avons également également croisé la délégation indienne ce qui nous a permis de leur présenter, à eux aussi, le scénario des Voix . L’Inde étant un pays à fort potentiel hydraulique, nos conclusions sur l’importance du pompage turbinage dans la décarbonation de notre mix énergétique ont pour eux un intérêt certain. Enfin, c’est avec les activistes du collectif Nuclear4Climate, nous avons aussi pu discuter avec Martin Kimani, l’ambassadeur du Kenya aux Nations Unies.

 

De ces interactions, nous sommes ressorti avec l’impression que les discours les plus intéressants venaient des pays africains dont les représentants, jeunes, sont dynamiques, enthousiastes et proposent des projets pertinents. Un bon exemple étant l’échange que nous avons eu avec un membre bénévole du comité d’organisation de la COP, parlant fièrement du projet nucléaire égyptien. Selon lui, avec ce projet, l’Égypte entend devenir un référence en terme de développement durable et invite le reste du monde à prendre son exemple : «Go Nuclear ! ».

Participation des Voix à la coalition N4C

Nous étions très impliqué au sein de Nuclear4Climate, le collectif international d’associations pro-nucléaires créé spécifiquement pour les COPs. Marie et Wojciech ont contribué aux actions de la coalition en étant présents sur les stands de la N4C et en participant au flashmob Fitness for climate.

De plus, nos représentants sont intervenus dans plusieurs événements organisés par la N4C au pavillon de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Marie-Jeanne a participé à la table-ronde sur le rôle des organisations non-gouvernementales dans la promotion du nucléaire, Wojciech a pris part dans la conversation avec le directeur général de l’AIEA, Rafael Mariano Grossi, sur le rôle des jeunes dans l’effort de la pédagogie sur le nucléaire et son rôle dans la transition énergétique. Finalement, Myrto a participé à la table ronde des femmes-leaders dans le monde nucléaire.

 

Nous avons donc mené une grande campagne de pédagogie et de sensibilisation sur l’énergie nucléaire et ses bénéfices. Et il ne faut surtout pas oublier notre mascotte – Melty ! Sa présence a rencontré un franc succès auprès des participants de la COP, et a attiré l’attention des médias globaux, y compris du journal britannique The Guardian.

Une organisation à revoir, mais au bénéfice d’une COP plus humaine

Premier constat, un manque de logistique certain. Outre les problèmes de wifi et la faiblesse du réseau 4G qui rendait la communication en ligne difficile sur place, il était relativement compliqué de bien préparer ses journées en l’absence d’un agenda compilé des événements de chaque pavillon. Beaucoup de ces évènements sont donc restés vides, à tel point que nous nous sommes retrouvés presque seuls un matin de pleine semaine dans la zone principale.

Néanmoins, ce manque d’organisation n’est pas sans avantage car il favorise grandement les rencontres informelles, les échanges de contact et les discussions passionnées avec des panélistes en marge des évènements. Les rencontres, les opportunités de networking et les discussions parfois très denses avec les participants sont des aspects essentiels de cet évènement qui ne sont malheureusement pas bien reflété par la couverture des grands médias.

Impression générale de l’état du débat public sur la scène internationale

Sur le fond, nous constatons une baisse significative des actions antinucléaires. En dehors d’un stand (situé juste à côté de celui de Nuclear4Climate) et d’un groupe de militants représentants des peuples indigènes, nous n’avons pas vu d’opposition ouverte à l’atome. Pourtant il reste difficile, même pour ceux qui soutiennent cette énergie, de la mettre en avant. Sur les stands de la Chine et de la Corée du sud par exemple, le nucléaire n’apparaît pas parmi les solutions futures. A l’inverse, l’hydrogène a le vent en poupe. Il est présent sur presque tous les stands des pays développés qui rivalisent d’inventivité pour l’intégrer à leur prévisions, sans pour autant proposer de véritable innovation viable.

La question de la sobriété énergétique était quasi absente. A l’exception d’un événement organisé par L’Institut Français pour la Performance du Bâtiment (IFPEB), la question de la baisse des consommations n’est presque pas abordée. Cela peut se comprendre de la part des délégations des pays en voie de développement, dont la consommation reste modeste, mais ce devrait être un élément central pour les pays développés. De la même manière, nous étions déçus de voir que la biodiversité n’est toujours considérée que comme un « réservoir » au lieu d’être présentée comme moteur de la captation de CO2. De façon générale, les émissions négatives, que ce soit par l’utilisation des sols ou de la technologie sont largement ignorées, sauf par les pays d’Afrique pour lesquels la gestion de la forêt et des zones humides constitue un enjeu majeur des prochaines années. Nous tenons à souligner une présentation exhaustive sur ce sujet sur le stand de La République Démocratique du Congo.

Le bilan d’un tel évènement est forcément mitigé. La COP est avant tout une rencontre d’intérêts divergents qui tolèrent de se mettre autour d’une table pour échanger sur le péril majeur du réchauffement climatique anthropique. C’est bien sûr trop peu, trop tard.

A ce titre, le plus étonnant est que 30 ans après le Sommet de la Terre à Rio, aucun pays ne juge utile de mettre en avant des résultats obtenus. La COP est le royaume de la promesse. Des promesses qui ne seront pas tenues pour l’essentiel.

L’UNFCCC elle-même avait choisi pour « slogan » un insipide « Together for Implementation », révélateur de la difficulté de cette organisation à proposer un diagnostic et un discours galvanisant pour les participants. Pourtant, on pourrait penser que ceux qui se donnent la peine de venir à la COP ne sont pas les plus difficiles à convaincre.

Malgré tous ces défauts, la COP donne à voir le mouvement des opinions publiques et des gouvernements. La COP27 acte le retour de l’énergie nucléaire, citée comme énergie bas-carbone dans la résolution finale. Les Voix continueront à redonner à cette énergie toute la place qu’elle mérite dans le débat pour construire un mix énergétique décarboné avec une énergie fiable, stable et accessible à tous.

Inversement, la COP permet de mettre en lumière d’autres enjeux que ceux qui préoccupent le débat national en France ou le débat européen. Elle donne une voix à tous ceux pour qui les 30 prochaines années ne seront pas celles de la décroissance, mais bien celle de la prospérité économique et du confort matériel. Ce mouvement de fond, cette aspiration des peuples au développement, aucune idéologie ne pourra l’arrêter, aucune catastrophe climatique ne pourra y mettre fin. Et pour cela aussi, l’énergie nucléaire a un rôle important à jouer en permettant de concilier croissance économique et décarbonation.