Les Voix à la COP 26 – Partie 2. La visite des Voix dans la zone verte

Dans le premier compte rendu nous avons résumé ce que c’est la COP, son organisation, quels ont été les objectifs de la conférence de 2021 à Glasgow et ce qu’a été vraiment accompli. Mais il nous fallait aussi parler de l’expérience de l’équipe des Voix au cours de sa visite. Dans cette deuxième partie, on parlera de notre action au pavillon de la COP. S’agissant de la première participation des Voix à un événement de ce type, et sachant que l’accès était forcément limité à un nombre restreint de représentants, seul un membre de l’équipe des Voix avait accès à la zone bleue, la présidente de l’association, Myrto Tripathi. Les autres n’avaient accès qu’à la zone verte. Cette newsletter se concentre donc sur cette zone.

La ville de Glasgow

En raison de l’invasion des représentants provenant des quatre coins du globe, la ville de Glasgow était paralysée, avec un effectif policier omniprésent, des équipes de sécurité et des hélicoptères planant au-dessus de la ville à longueur de journée. Les services de bus ont été modifiés, les rues barrées à la discrétion de la ville, et se déplacer dans Glasgow pouvait présenter un défi assez important par moments. En somme, Glasgow, petite ville industrielle écossaise, a soudainement été inondée par des mandataires, des PDG, des diplomates, des ministres, des journalistes…et des activistes, dont nous faisions partie.

Voici un petit journal de bord de notre expérience dans la zone verte :

L’équipe commence la journée vers la zone verte sans Jadwiga Najder, qui étant également présidente de la Young Generation Network de la Société Européenne Nucléaire (ENS YGN), commence sa journée dans la zone bleue. Les représentants des Voix – Myrto Tripathi, Silviu Herchi, Daniel Pérez et Ana Otero – partent à la zone verte  pour la première fois. En arrivant, il y avait un point de contrôle où l’on devait montrer nos tickets, suivi d’un deuxième contrôle de sacs et objets. On y a vite senti la désorganisation de l’évènement : les dates des tickets devaient être pour la semaine, mais de nombreux gens se sont fait refouler à l’entrée car leur ticket ne correspondait pas à la date du jour… Tout ça pour finalement discuter avec le garde qui nous a laissés passer, soi-disant pour “en parler à l’accueil”. Plus tard, on apprendra que ce contrôle de tickets à l’entrée aura été diminué, voire quasi éliminé.

En sortant de cette première étape, nous marchons à travers un parking jusqu’au musée des sciences, où a été aménagée la green zone. Dans le parking, on trouve les premières expositions des entreprises.

Entre les bus et les tracteurs électriques, on trouve les voitures, qui ont manifestement oublié que l’objectif premier était de montrer de la sobriété. D’un côté, une magnifique voiture SUV électrique de la marque Polestar (la division électrique de Volvo), censée représenter le futur de la mobilité : parfait pour vous permettre de gaspiller autant d’énergie que vous le souhaitez tout en étant respectueux de l’environnement. À côté, Ford, ne voulant pas rester muet face à son concurrent, nous montre également son SUV électrique. Bref, pour la sobriété en matériaux et en énergie, on repassera, mais ne vous inquiétez pas : d’ici 2050, tous ces SUV seront alimentés exclusivement par les énergies renouvelables. Nous avons quand même fait des efforts pour trouver une entreprise se préoccupant de l’efficacité énergétique de manière sérieuse, mais il semblerait que l’on cherchait au mauvais endroit …

Le groupe avance jusqu’à l’intérieur du bâtiment. Première chose visible à l’accueil de la zone verte (et les collègues dans la zone bleue avaient constaté la même chose) : un énorme stand criant aux visiteurs en vert fluo « La formule E (« E » d’électrique) est nécessaire pour sauver le monde ». On n’exagère même pas, c’est littéralement le message qui défile sur les panneaux, avec les surenchères habituelles sur le fait que tout ça proviendrait (attention au conditionnel) de « 100% renewable energy » … d’ici 2050.

Plus c’est gros, mieux ça passe : à la COP26, perçue comme une des dernières chances pour aboutir à des accords essentiels sur le climat, la Formule 1 (ou, dans ce cas, la Formule-E), qui représente le paradigme du monde du moteur et de la surconsommation dans le secteur automobile, va nous aider à changer nos modes de vie, à consommer moins et à mettre en place une forme de sobriété énergétique. Bon, peut-être qu’on réfléchit trop : tout est peut-être plus simple et tant que c’est “Net zero by 2050” tout ira pour le mieux, n’est-ce pas, Envision Racing ?

En avançant vers l’exposition, on trouve un stand qui nous souhaite la bienvenue : l’occasion parfaite pour une photo, mais aussi pour faire nos premières revendications concernant l’inclusion du nucléaire comme acteur d’un futur bas-carbone.

En avançant, notre groupe commence à trouver les premiers stands des entreprises et associations. La première nous présente l’écoféminisme.

En chemin, on trouve aussi une université qui fait la démo d’un bras robotique pour récolter des fraises (le futur de l’agriculture !) en consommant sans doute, comme le dirait Jean-Marc Jancovici, la puissance de plusieurs paires de jambes

On entre à la cafétéria pour déjeuner. Bien sûr, on n’échappe pas au monde dans lequel on vit, même à la COP26 : toutes les options à déjeuner viennent avec leur emballage en plastique. Il y a beaucoup d’options de dessert sucrés et il est difficile de trouver des fruits (seule option, des mandarines). Au moins, il y a une multitude d’options véganes.

On continue vers les stands des entreprises. Les premiers stands sont ceux de ScottishPower (acheté par Iberdrola en 2006), le cinquième groupe énergétique britannique et fournisseur principal du centre et du sud de l’Écosse, et à côté Hitachi, entreprise japonaise d’électronique.

Chez Hitachi on voit une voiture électrique avec 4 roues motrices, 400 chevaux au total.  « Comment vous comptez alimenter tout ça ? » demande Silviu. « Tout est sur l’écran monsieur ».

L’écran, qui montre des aérogénerateurs avec des codes QR, nous conduit à un site web qui explique de manière quelque peu confuse comment ils prévoient d’alimenter la flotte de voitures électriques avec plus de « smart et flexible grids ». En citant leur point 5 : « Du point de vue d’Hitachi, nous sommes très engagés dans la connectivité des énergies renouvelables – nous sommes un acteur important dans la connexion de la Norvège à l’Allemagne, du Dogger Bank (un grand projet éolienne maritime) au Royaume-Uni, et nous développons des fermes solaires en Angola ». Angola ? Ils parlent aussi sur leur contribution pour l’Interconnexion France-Angleterre IFA-2…(on laisse le lecteur à l’imagination). Mais pas de chiffres et prévisions sur la consommation d’électricité de leur futur parc.

On trouve ensuite National Grid, le RTE du Royaume Uni, qui a fait une belle visualisation 3D de l’énergie du futur et des ajustements du réseau à faire en conséquence.

Il y avait donc, de l’hydro, de l’éolien, du solaire (au Royaume Uni, la blague se fait toute seule…)

Nucléaire… nucléaire ?

On discute avec les personnes du stand, qui se montrent très ouverts. On parle des difficultés pour l’aménagement des EnR et la sortie du gaz fossile. Ana et Daniel parlent avec un représentant qui avoue ne pas être contre le nucléaire, mais en même temps ne pas connaître le sujet. On a quand même une conversation très intéressante sur les nouvelles interconnexions avec le continent, la nouvelle application smartphone que National Grid a développée (l’équivalent de l’ECO2mix de RTE). Quand on demande où se trouve le nucléaire sur la maquette, les personnes du Stand semblent un peu surprises, en mode « Ah oui, tiens, maintenant que vous le dites, il n’y est pas… On n’avait pas remarqué ». Curieux, vu qu’au même instant, 71% de l’électricité en Écosse provenait du nucléaire (information que l’on a paradoxalement apprise en consultant l’application du National Grid) … 

On a l’impression que le mot nucléaire était interdit comme « Voldemort ». Cela n’est pas une surprise étant donné que dans la zone verte les stands pro-nucléaires ont tous été rejetés par les organisateurs, a priori pour éviter des conflits avec de possibles visiteurs antinucléaires. Rappelons-nous que si on est pro-nucléaires, on est provocateurs, donc on peut nous censurer et, de temps en temps, nous agresser (on y reviendra …). Si le lecteur est une femme, peut-être que cette situation lui sera familière.

Meanwhile, le mix de consommation électrique écossais pendant la COP, c’était ça :

Un peu plus loin se trouve SSE, producteur et opérateur écossais des énergies renouvelables (mais aussi du gaz fossile, mais aucune mention de ça sur leur stand). Ils montrent une grande diversité de projets qui, on l’avoue, étaient pour la plupart intéressants.

Le projet le plus marquant est leur « gros » projet de STEP : Coire Glas, qui promet une capacité de stockage de 30GWh et la capacité de fournir 3 millions de foyers. Il utiliserait l’excès de production des renouvelables intermittents pour pomper l’eau vers un réservoir plus haut, d’où on laisserait couler cette eau à travers des turbines lorsque la demande d’énergie est haute et que la production des renouvelables est basse.

SSE montre également leur autre grand projet, le plus gros parc d’éoliens offshore en projet, 6 GW avec plusieurs centaines de aérogénérateurs Haliade X de 14 MW. Sur la photo satellite, on a l’impression qu’ils vont  construire un nouveau petit pays au milieu de l’Atlantique Nord. Et pareil avec les visuels de synthèse où l’on montre des éoliennes à perte de vue en plein milieu de l’océan.

Silviu parle avec Grigor, un ancien ingénieur nucléaire russe de 28 ans, qui travaille maintenant sur les « smart grids ». Grigor, qui a vu nos t-shirts pro-nucléaires, s’approche de Silviu et lui dit « En fait moi aussi je soutiens le nucléaire à fond à titre personnel, mais ici… ». Aucun commentaire supplémentaire nécessaire.

Adjacent au stand de SSE se trouve le premier stand de SkyTV – conglomérat médiatique anglo-saxon – où ils présentent la première télé sans carbone. Pas « net 0 » comme tous les autres stands – eux, c’est 0 tout court. On imagine bien que pour dire 0 carbone ils ont acheté des certificats d’origine…un grand sujet polémique de nos jours, mais on n’a pas cherché à creuser plus loin.

Juste à côté se trouve le stand de « The Vegan Butcher ». Il s’agit d’une entreprise qui vend des produits végétaliens qui imitent la viande. Ce type d’entreprises est nécessaire pour encourager le public à consommer moins de viande (et donc suivre un régime alimentaire avec une moindre empreinte carbone en faisant aussi des économies sur l’utilisation de l’eau et des terres agricoles).

Puis arrive le tour du stand de Microsoft… Pour tout dire, on ne savait pas très bien ce que faisait Microsoft en plein milieu de la COP26. On se demandait si c’était pour vanter leurs projets de parcs renouvelables (on comprend qu’ils ne vont pas parler de nucléaire) pour fournir leurs bureaux et data centers, mais en fait non. Même si le stand montre des petites éoliennes en carton (tournant paradoxalement avec de l’électricité à 71% nucléaire…). Une femme s’approche et nous dit qu’elle peut nous faire des offres de financement des solutions de Microsoft pour pas cher. Quand elle voit que nous ne sommes pas intéressés, elle s’excuse et s’éclipse rapidement. On trouve un représentant qui fait une démo du casque HoloLens. Très cool, mais rien à voir avec le sujet principal de la COP26. Il nous demande nos profils LinkedIn ; après notre visite il fait un post sur LinkedIn qui parle de « Formule 1 durable ».

Un peu plus loin : le stand de Royal Bank of Scotland, la plus grande banque d’Écosse. Des gens très sérieux nous expliquent qu’ils font un maximum désormais pour ne plus financer que du « durable ». « Et vous utilisez quels critères, parce que par exemple l’Europe n’arrive pas à se mettre d’accord sur ce qui l’est ou ne l’est pas ? » « Euh… ben… université d’Edimbourg heu ah mmm » « Je vois, merci ».

Dans un coin un peu à l’écart, « les ONG militantes » avec des micro-stands. Les Irlandais contre les centrales au gaz. En discutant avec eux, il s’avère qu’ils sont aussi contre le nucléaire et contre les data centers ; du coup on demande ce POUR quoi ils militent, et le monsieur ne comprend pas la question. Ils sont surtout contre.

Il y avait aussi une ONG indienne « spirituelle », avec un projet de centrale solaire. En réponse à ses questions, Silviu reçoit “a blessing” en carton :

Parmi d’autres ONG, on en a trouvé une qui avait les pieds sur Terre : il s’agit de la ONG Colombien « gardiens de la rivière Atrato ». Ses membres étaient venus à la COP26 pour raconter leur expérience et montrer le désastre écologique lié à l’extraction illégale d’or et le Platinum dans le département du Chocó en Colombie.

La visite continue au premier étage. En face de l’escalier principal, un panneau d’une compagnie de batteries nous apprend que les problèmes seront bientôt résolus.

SkyTV a un deuxième stand en partenariat avec la ONG WWF – une forêt de petite taille aménagée en plein musée. Un des représentants nous dit que si on donne nos adresses mail à des fins commerciales, Sky s’engage à planter quelques algues « qui absorbent le CO2 » …

Toujours au premier étage, le Clean Air Fund lutte pour l’air propre dans le monde. Ils ont des projets en Inde, au Royaume Uni, en Europe de l’Est et du Sud-est. Aucune opinion particulière sur le nucléaire. Leur budget annuel est de 15 millions USD… De quoi faire rêver les Voix.

D’un autre côté, un stand sur la fusion nucléaire :

Mais rien de plus. On essaye de trouver quelqu’un qui pourrait nous en parler, mais il n’y a personne. Est-ce une métaphore sur le temps que prendra la mise en œuvre commerciale de cette technologie ?

L’après-midi l’équipe part dans un événement s’agissant sur l’hydroélectrique. Cela commence par un documentaire qui raconte comment les barrages hydrauliques ont transformé la vie social et économique en Écosse, suivi par un débat de spécialistes du secteur. Malheureusement, l’événement n’apportait pas des chiffres ou des données techniques, mais il était porté uniquement sur la démonstration des avantages de l’hydroélectricité et de la manière dont elle peut sauver le monde en servant de réserve lorsque les énergies renouvelables ne peuvent pas produire d’énergie. Aucune donnée n’a été fournie sur les limites de cette stratégie dans d’autres régions ou sur les problèmes rencontrés par la filiale hydroélectrique, tels que l’impact environnemental. Il y avait une application où les spectateurs pouvaient poser leurs questions et se soumettre à votation pour gagner de la priorité dans la liste. Daniel Pérez avait écrit autour 4 questions techniques (sans aucun lien avec le nucléaire), et, même si ces questions restaient comme les plus votées, la présentatrice de la conférence avait évité poser ces questions aux intervenants. Tout était fait pour éviter un débat constructif et faire qu’un événement publicitaire.

En sortant de la zone verte, on revisite les stands à l’extérieur. Parmi les SUV électriques, une surprise, Rolls Royce a son propre stand tout au fond, qui montre un mini avion électrique et un moteur à hydrogène pour produire de l’électricité. Entre les deux, Rolls Royce s’aventure à montrer des vidéos promotionnelles sur les SMR sur un grand écran. Finalement, on trouve le mot « Voldem…nucléaire » à la COP ! On parle avec les gens du stand, et on rencontre un jeune ingénieur français qui travaille dans la division des SMR pour Rolls Royce. L’homme se montre très optimiste sur les SMR, pour lui c’est un marché d’exportation important, il attend des annonces de Boris Johnson pendant la COP.

Il y avait également un journaliste du site The Energyst. Il s’était montré surpris de trouver des gens pro-nucléaires à la COP. On discute et même s’il s’avère plutôt anti-nucléaire, on a une discussion très intéressante sur les avantages et inconvénients de chaque énergie.

C’est ainsi que se termine notre deuxième chapitre sur la zone verte de la COP26. Face au déluge de vœux pieux et promesses en l’air exposés à la COP, nous encourageons chaleureusement nos lecteurs à prendre les annonces « révolutionnaires » de certaines entreprises et industriels avec un peu de prudence – et à continuer de s’informer sur les enjeux climatiques et sur nos modèles de consommation énergétique. A bon entendeur…

Lire la première partie.