Traitement des eaux usées par rayonnements ionisants

Les radiations peuvent être utilisées nettoyer l’eau usagée, avec une efficacité accrue, une assise au sol réduite et en remplacement de substances chimiques dangereuses pour la santé.

Le traitement des eaux usées consiste à la dépolluer avant de la relâcher dans la nature ou dans nos réseaux de consommation. Il s’agit d’un enjeu environnemental mais également de santé publique majeur, alors que chaque année, 827 000 personnes meurent à cause du manque d’eau. De plus, un grand nombre de personnes n’ont accès qu’à de l’eau non potable. Aussi, ils risquent de contracter des maladies telles que le choléra, la dysenterie, l’hépatite A, la typhoïde et la poliomyélite. L’eau contaminée est responsable de près de 432 000 décès par maladies diarrhéiques [1] alors que celles-ci sont en grande partie évitables.

En réaction à cette urgence, l’Assemblée générale des Nations Unies a reconnu le droit à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit de l’homme en 2010.

Les techniques de traitement des eaux usées ont évolué au fil de l’histoire. En Egypte antique, on se servait de sable pour la filtrer alors que les romains utilisaient la phytoremédiation par les plantes. Aujourd’hui le procédé est biologique : filtrations, décantations, utilisation de cultures bactériennes auxquels s’ajoutent des traitements chimiques (essentiellement des désinfections par le chlore ou l’ozone) qui ont un impact négatif sur l’environnement.

Bien qu’ayant énormément évolué, les méthodes actuelles se heurtent à deux types de déchets problématiques : ceux qui contiennent des micro-organismes potentiellement infectieux et ceux qui sont contaminés par des produits chimiques toxiques. Les eaux usées industrielles peuvent ainsi contenir plus de soixante-dix produits chimiques complexes difficiles à dégrader. En outre, le procédé produit des résidus solides appelées boues d’épuration, directement issues de la décantation des eaux usées. Celles-ci doivent également être traitées afin d’en éliminer bactéries et virus, ce qui est habituellement réalisé par des opérations de filtrations, pressages, et/ou séchages à l’azote.

Une nouvelle technique permet toutefois de dépasser ces difficultés en traitant les eaux usées ainsi que les boues d’épuration avec un faisceau d’électrons dans une salle d’irradiation. Ce dernier est un rayonnement électromagnétique gamma émis par une source radioactive. Il provoque d’une part la mort cellulaire des micro-organismes (bactéries, champignons, moisissures…) et des pathogènes [2] et d’autre part la dégradation de substances toxiques potentiellement présentes dans les eaux et boues.

L’irradiation s’arrête lorsque l’on s’éloigne de la source et l’eau traitée ne devient en rien radioactive. Cette méthode est couramment utilisée depuis le début des années 60 pour la stérilisation de produits médicaux et de produits de consommation.

Cette méthode présente un certain nombre d’avantages pour l’épuration de l’eau : 

  • Elle permet une élimination instantanée de l’activité biologique qui permet également réduction importante des odeurs ;
  • Elle permet une réduction voire élimination de la consommation de produits chimiques ;
  • Elle permet une réduction de l’espace nécessaire pour l’installation car il n’y a plus de grands bassins « d’attente » pour la décantation ;
  • Elle permet de traiter efficacement les résidus antibiotiques provenant d’usines pharmaceutiques qui contribuent à la résistance bactérienne [3].

Cette méthode présente les mêmes avantages pour le traitement des boues rejetées par les stations d’épuration. Mais elle contribue également à leur réutilisation, créant un modèle de circularité vertueux. Plus de 70% d’entre elles sont en effet utilisées en agriculture, pour apporter de la matière organique et des éléments fertilisants comme de l’azote et du phosphore [4]. Or, une fois irradiées, les boues peuvent être épandues sur des terres agricoles en toute sécurité. Elles sont très compétitives par rapport aux amendements du sol et aux fumures d’origine animale, et favorisent une amélioration à long terme des sols à la différence des engrais chimiques.

Cas pratique : la centrale de Jinhua, en Chine :   Le centre de dépollution de Jinhua, lancé en 2017, peut traiter jusqu’à 5 000 tonnes d’eaux usées par jour. Cette station située à 300 kilomètres au Sud de Shanghai permet de dissoudre une grande diversité de polluants industriels utilisés aujourd’hui et ne laisse aucun résidu radioactif.

Les deux premiers centres de traitement par rayonnement étaient l’irradiateur gamma de Geiselbullach (Allemagne) servant au traitement de boues depuis 1973 et l’irradiateur de recherche sur l’hygiénisation des boues (SHRI) mis en service début 1992 à Baroda (Inde).

Ils se développent depuis un peu partout dans le monde. L’IAEA les considère comme un domaine de recherche primaire, en particulier pour les pays en voie de développement. Nombre de pays possédant une industrie textile développée, comme le Bangladesh, l’Inde et Sri Lanka, envisagent eux aussi d’utiliser cette technologie afin de réduire les externalités négatives liées à ces industries.

[1] OMS – Assainissement (2019)

[2] Traitement des eaux usées par rayonnements ionisants (B5)

[3] Bulletin de l’AIEA mars 2017

[4] Avis Anses saisine n° 2020-SA-0043