Technique de l’insecte stérile (TIS)

Le nucléaire permet de stériliser des insectes nuisibles et porteurs de maladies et de réduire les pandémies, la faim et la pauvreté sans avoir recours à des produits chimiques.

Tous les ans, des millions de personnes contractent des maladies vectorielles – c’est-à-dire transmises par des insectes tels que les moustiques ou les tiques. Parmi eux, des centaines de milliers perdent la vie – chiffres auxquels il faut ajouter les pertes bétaillères qui renforcent les famines, la malnutrition et la misère rurale. A titre d’exemple, d’après la FAO, 32 des 37 pays infestés par la mouche tsé-tsé sont parmi les plus pauvres du monde.

La technique de l’insecte stérile (TIS), ou « lutte autocide », intègre les technologies nucléaires afin d’éradiquer ces populations de d’insectes porteurs de maladie ou ravageurs – mouches tsé-tsé, mouches des fruits, lucilie bouchère, criquets, moustiques…  – responsables de problèmes sanitaires, économiques ou environnementaux majeurs. Concrètement, elle consiste à élever des mâles rendus stériles à l’aide des rayonnements ionisants, puis à les lâcher dans la nature pour qu’ils s’accouplent avec des femelles sauvages. Ces dernières n’auront donc pas de progéniture, ce qui permet une diminution importante de leur population. Les insectes traités par le rayonnement ne sont pas radioactifs.

Élaborée dans les années 50 par les entomologistes américains Raymond Bushland et Edward Knipling, cette technique permet de réduire l’usage d’insecticides, d’éviter tout processus transgénique ou d’introduire d’espèces exotiques dans un écosystème, ce qui en fait l’une des plus respectueuses de l’environnement connues à ce jour. Elle contribue sensiblement à la santé humaine, animale et végétale ainsi qu’à la production agricole et la levée des mesures de quarantaine qui frappent les pays touchés. Le FAO et de l’AIEA, soutiennent désormais une quarantaine de projets faisant appel à la TIS sur six continents [1].

Et pour cause : les pandémies de maladies vectorielles se sont renforcées ces dernières années, avec le virus Zika et la dengue faisant des ravages dans le monde entier. En 2011, cette dernière a atteint une ampleur désastreuse au Pakistan (27.000 contaminations). A cela il faut ajouter le paludisme. D’après l’Organisation Mondiale de la Santé, la moitié de la population mondiale est menacée par la malaria et près d’un demi-million de personnes en meurent chaque année. 90% de ces décès touchent l’Afrique, où un enfant meurt de paludisme toutes les deux minutes minute [2].

Ces chiffres inquiètent, et ce d’autant que le changement climatique et la mondialisation étendent le périmètre des maladies tropicales – en atteste l’épidémie de chikungunya qui a frappé l’Italie à l’été 2017.

Cas pratique la mouche tsé-tsé : Cet insecte transmet, lorsqu’il pique un animal des parasites, qui affectent le système nerveux central et peuvent causer la mort. Celle-ci infecte plus de 75 000 humains et tue plus de 3 millions de têtes de bétail tous les ans en Afrique subsaharienne. Elle coûte à l’agriculture plus de 4 milliards de dollars annuellement. La TSI s’est avérée particulièrement efficace avec la mouche tsé-tsé comme la femelle ne s’accouple qu’une seule fois dans sa vie. Elle a ainsi permis de réduire la population de mouches de 98 % dans deux des trois zones infestées au Sénégal [3], de 100% dans l’île d’Unguja, à Zanzibar, et de 90 % dans certaines zones du sud de la vallée du Rift, en Éthiopie [4].

La TIS n’est cependant pas parfaite. Il s’agit tout d’abord d’une jeune technologie, et le peu de recul dont dispose la communauté scientifique nous empêche de nous en servir à son plein potentiel. En outre, la sélection et le traitement d’une large quantité de mâles peut coûter cher – bien que le retour sur investissement ait été très élevé dans plusieurs pays où cette technique a été appliquée[5]. Elle sera donc plus ou moins rentable selon l’espèce traitée. Enfin, pour certains insectes, l’irradiation peut affaiblir les mâles stériles, qui peineront alors à concurrencer les mâles sauvages, réduisant ainsi l’efficacité de la procédure.