Taxonomie européenne – “Final Stand” et rétrospective

Les 5 et 6 juillet, les Voix du Nucléaire ont manifesté à Strasbourg pour soutenir le vote final du Parlement européen qui a validé l’intégration de l’énergie nucléaire dans la taxonomie des investissements durables de l’Union européenne. L’occasion de revenir sur cette saga de la taxonomie, et à la contribution au long cours de notre association.

Cette taxonomie est imparfaite. Beaucoup de conditions supplémentaires, contraignantes, voire aujourd’hui impossibles à satisfaire pour certains pays et laissant libre court à l’interprétation sont imposées au nucléaire, et vont de fait limiter son potentiel à se substituer massivement aux énergies fossiles en Europe. L’intégration du gaz est un crève-cœur. Mais le bilan est objectivement positif.

Il y a encore énormément à faire pour lutter contre les biais idéologiques et rétablir une neutralité technologique dans les politiques publiques françaises et européennes, énormément à faire pour le climat et pour l’environnement, mais cette validation par le Parlement était une étape fondamentale.

  • Qu’est-ce que la taxonomie européenne des investissements durables portée par la Commission Européenne ?

La vision énergétique de la Commission européenne actuelle date de 2018 et de sa stratégie « A Clean planet for all ». Cette vision était marquée par une marginalisation voire une omission de l’énergie nucléaire, très rarement évoquée, et fortement orientée vers les énergies renouvelables. On parlait alors d’un objectif de 15% de nucléaire et de « plus de 80% » de renouvelables.

Le règlement Taxonomie :

Dans son effort de lutte contre le changement climatique, la Commission européenne a élaboré une approche globale, s’intéressant notamment au secteur financier.

C’est ainsi que le Règlement (UE) 2020/852 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables [1](dit règlement Taxonomie) a été publié en juin 2020. Il établit les critères permettant de considérer une activité économique comme durable sur le plan environnemental.

Pour ce faire, il pose quatre conditions cumulatives : la contribution substantielle à au moins un des six objectifs environnementaux cités ci-dessous, l’absence d’atteinte significative aux autres objectifs, le respect de garanties sociales et de gouvernance, ainsi que le respect des critères d’examen techniques permettant de vérifier les deux premières conditions.

Les six objectifs environnementaux fixés dans le rapport sont :

  • l’atténuation du changement climatique ;
  • l’adaptation au changement climatique ;
  • l’utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines ;
  • la transition vers une économie circulaire ;
  • la prévention et la réduction de la pollution ;
  • et la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes.

Le règlement confie à la Commission le soin de définir les activités durables et de fixer les critères d’examen techniques applicables. Pour se faire, la Commission s’est basée sur le travail du Technical Expert Group on Sustainable Finance (TEG) dont le Rapport final a été rendu en mars 2020 puis sur un rapport technique du Centre Commun de Recherche (CCR) rendu en mars 2021.

  • Qu’ont dit ces rapports ?

Les conclusions du Rapport final du TEG :

Dans son rapport final de mars 2020, le TEG indiquait que l’énergie nucléaire devait être considérée comme participant à l’objectif d’atténuation du changement climatique, celle-ci ayant des émissions de gaz à effet de serre proches de zéro dans la phase de production d’électricité.

Toutefois, citant l’exemple de la gestion à long terme des déchets radioactifs de haute activité pour lequel il n’existe pas encore de site de stockage définitif et opérationnel,      le TEG refusait de conclure sur la condition d’absence de préjudice important aux autres objectifs environnementaux et ainsi d’inclure le nucléaire dans la taxonomie.

Le TEG recommandait alors que soit menée une analyse de l’ensemble du cycle de production de l’énergie nucléaire visant à constater son respect du principe consistant à « ne pas causer de préjudice important », connu sous l’acronyme DNSH pour « Do No Significant Harm ».

La Commission a confié officiellement le 2 juillet 2020 cette analyse au Centre Commun de Recherche (CCR), prévoyant qu’une revue de son rapport serait faite par le groupe d’experts établi en vertu de l’article 31 du traité Euratom et le groupe d’experts Scientific Committee on Health, Environmental and Emerging Risks (SCHEER) au plus tard fin juin 2021. L’énergie nucléaire est la seule activité concernée par la Taxonomie à avoir fait l’objet d’une telle expertise scientifique et technique approfondie.

Les conclusions du rapport du CCR :

Le CCR a rendu son rapport final le 19 mars 2021.

Celui-ci conclue qu’il n’a trouvé aucune preuve scientifique établissant que le nucléaire cause plus de dommage à la santé ou à l’environnement que les autres technologies de production d’électricité déjà incluses dans la taxonomie au titre des activités participant à l’atténuation du changement climatique. Il note d’ailleurs que les impacts (hors accident grave) sont comparables à ceux des éoliennes offshores.

Le CCR retient également que le nucléaire présente les taux de décès prématurés et d’accidents mortels les plus bas parmi toutes les technologies de production d’électricité, et que l’ensemble des impacts potentiellement dommageables pour l’environnement et la santé peuvent être évités ou prévenus par l’application de mesures appropriées.

La première partie du rapport porte sur l’évaluation de la production d’énergie nucléaire selon le critère DNSH. Le CCR s’intéresse à l’étude de l’impact environnemental de chacune des phases du cycle de production d’électricité à partir de l’énergie nucléaire et les compare avec l’impact des autres sources de production d’électricité.

La seconde partie porte sur l’évaluation plus spécifique de la gestion et de l’élimination à long terme des déchets radioactifs, notamment des déchets radioactifs de haute activité et du combustible nucléaire usé.

Dans l’annexe 4, le CCR propose une liste de critères d’examen techniques (TSC) pour quatre phases du cycle de production d’énergie nucléaire : l’exploitation minière de l’uranium, l’exploitation des centrales de production d’énergie, le retraitement du combustible nucléaire usé et l’élimination des déchets radioactifs de haute activité.

Le CCR a mené un travail de revue de la littérature scientifique, collectant l’ensemble des évaluations existantes et comparant leurs résultats.

A noter également que le CCR déborde le mandat donné par la Commission en analysant notamment les impacts sur la santé, ou en proposant des critères d’examen techniques pour certaines phases de la production d’électricité à partir de l’énergie nucléaire.

  • Pourquoi est-ce que cette taxonomie est importante ?

La taxonomie concerne l’ensemble de l’écosystème décisionnel et financier d’une technologie. Adoubée, celle-ci sera favorisée sur toute la chaîne, pénalisée, elle le sera aussi sur tout la chaîne.

Concrètement, une activité considérée comme « verte » dans la taxonomie a par exemple accès à plus de financements, notamment tous les outils financiers « verts ».

La taxonomie concerne à la fois : les entreprises qui devront indiquer la part de leur chiffre d’affaires, de leurs investissements et de leurs dépenses qui correspond à des activités durables ; les États membres qui mettent en place des mesures publiques, des normes ou des labels pour des produits financiers verts ou des obligations vertes (green bonds) ; et les acteurs financiers, les institutions de supervision financière (banques centrales, par exemple), les compagnies d’assurances.

  • Pourquoi c’est important que le nucléaire y soit ?

Parce que si cela n’avait pas été le cas, cela aurait rendu plus difficile la prolongation d’activité de certains réacteurs européens existants, et le développement de nouveau nucléaire en Europe, voire excessivement difficile pour les petits pays et les « nouveaux entrants » souhaitant se doter de leur première centrale nucléaire, hors soutien de puissances extra-européennes comme la Russie ou la Chine.

Parce que même si le chemin est encore très long, cela pourrait commencer à mettre l’Europe sur le chemin d’un « level-playing field » entre les énergies bas-carbone.

Parce que cela nous donne des chances supplémentaires d’atteindre les objectifs climatiques et environnementaux de l’Union européenne.

Parce que l’influence de l’Europe sur le reste du monde est importante en la matière.

Parce qu’autrement cela aurait fait perdre à la taxonomie européenne sa crédibilité scientifique.

  • Est-ce que ça facilite les choses à partir de maintenant ?
    • Oui, parce que cela bénéficie à la perception qu’auront le public, les médias, les institutions, les décideurs plus généralement, de l’énergie nucléaire. A condition que nous ne laissions pas les organisations défavorables au nucléaire
    • Dévaloriser cette décision fondée sur des preuves scientifiques ;
    • traduire différemment cette décision au sein des décisions ultérieures que ce soit dans les définitions des labels, des périmètres d’application, des listes de bénéficiaires, des catégorisations quelles qu’elles soient qui vont advenir à partir de maintenant.

Et que cette perception est indispensable pour permettre qu’une certaine forme d’acceptabilité soit progressivement retrouvée.

  • Non, parce que
    • les critères techniques d’éligibilité imposent des conditions encore plus difficiles à satisfaire que ce qui existe aujourd’hui à l’échelle nationale, qui est le périmètre admis d’autorité sur les questions de sûreté nucléaire ;
    • les assesseurs et décisionnaires seront des fonctionnaires de la Commission qui viendront déposer une couche administrative sur un sujet essentiellement technique, avec des délais qu’il est difficile d’évaluer, et sur lesquels il faudra conserver un droit de regard ;
    • les certificats de conformité à la taxonomie, qui seuls pourront ouvrir droit aux avantages associés, auprès des organismes de financement notamment, ne seront délivrés que projet par projet et devront être renouvelés ;
    • les critères d’éligibilité, et l’inclusion même du nucléaire dans la taxonomie seront revisités tous les trois ans.
  • Comment le nucléaire y est-il intégré ?
    • Dans un acte délégué complémentaire, dissocié des technologies renouvelables immédiatement catégorisées comme durables, associé au gaz lui-même soumis à de nombreuses conditions, et séparé d’une future catégorie « marron » ou d’une autre « absente » qui aurait équivalu à un rejet.

Outre les activités intégrées directement en tant que telles dans la taxonomie, deux autres catégories sont également prises en compte dans la taxonomie : les activités qui permettent à d’autres activités de contribuer à l’un des objectifs sont dites « habilitantes » (comme la construction d’une infrastructure favorisant les mobilités douces par exemple) ; les activités qui permettent de réduire l’impact environnemental dans des secteurs pour lesquels il n’existe pas d’alternative (comme la production d’aluminium recyclé) sont dites « transitoires ».

Comment le nucléaire et le gaz sont-ils insérés dans la nouvelle nomenclature ?

Le gaz et le nucléaire, producteurs d’électricité, ont intégré le nouveau projet de taxonomie. Les investissements dans les centrales correspondantes pourraient à l’avenir être classés comme durables.

La Commission européenne a prévu plusieurs conditions pour l’électricité nucléaire. Toute nouvelle construction devra présenter par exemple des garanties pour le traitement des déchets nucléaires et le démantèlement des installations, avec également un projet concret, avant 2045, de construction de site de stockage géologique bien que ces échéances ne soient pas forcément pertinentes pour un pays nouvel entrant dans le nucléaire. D’autres critères (sureté, combustibles spécifiques, etc.) sont également possibles en fonction des critères techniques qui seront finalement retenus et des évolutions techniques.

Par ailleurs, la réalisation de travaux pour prolonger la durée de vie des réacteurs actuellement en service devra être approuvée avant 2040. Il y a donc une idée « de transition » et une limite dans le temps.

Quant aux centrales fonctionnant au gaz, le document précise qu’elles doivent émettre moins de 100 g de CO2 par kilowattheure (CO2/kWh). Les centrales ayant obtenu leur permis de construire avant 2030 auront un seuil d’émissions plus élevé, jusqu’à 270 g de CO2/kWh. Elles devront remplacer des infrastructures existantes beaucoup plus polluantes (charbon), et utiliser au moins 30% de gaz renouvelable ou peu carboné dès 2026, puis 55% en 2030.

  • L’association au gaz, est ce que c’est grave ?

L’inclusion du gaz est problématique car elle entérine pour beaucoup la perception fausse que l’énergie nucléaire est une énergie fossile, qui présente des inconvénients similaires, et qu’il s’agit d’une solution de transition. Elle impose ainsi dans les esprits et dans les textes une méfiance et une vision forcément temporaire parce que non souhaitable du recours à l’énergie nucléaire.

Cette inclusion est le fruit de tractations politiques.

Les détracteurs du nucléaire ont manœuvré pour les lier dans le même acte délégué, de manière à pénaliser le nucléaire par association (et ils seront donc juste parvenus à favoriser le gaz).

Le gaz est beaucoup moins capitalistique que le nucléaire et n’a donc malheureusement pas besoin d’être dans la taxonomie pour s’épanouir en Europe, et que la meilleure manière de s’en débarrasser est de lui opposer une vraie concurrence bas-carbone dans le champ des énergies pilotables.

  • Quelles sont les conditions d’accès pour le gaz ?

Celles-ci sont très sévères :

– Il faut que la centrale au gaz concernée émette moins de 100 gCO2/kWh (gaz fossile 400-500 g, charbon environ 1000 g), en ajoutant du biogaz et/ou de la capture et stockage de CO2.

– Une telle centrale représenterait une énorme amélioration si elle venait remplacer une centrale charbon (90% de réduction des émissions), et ne serait pas si loin du photovoltaïque (autour de 30-60 gCO2/kWh).

– Ou, avant 2030, une tolérance à 270 gCO2/kWh, ou 550 kgCO2/kW, ce qui pour une centrale au gaz très efficace signifie un droit de fonctionner 60 jours par an.

– A condition qu’il n’y ait pas d’alternative renouvelables plus rentable. Ce qui signifie que les renouvelables ont la priorité pour réduire la part de gaz au maximum.

– Et il faut que ce gaz vienne remplacer quelque chose de moins bien, que ce remplacement entraîne une réduction des émissions, que la centrale soit convertible à des combustibles non fossiles, et que le pays bénéficiaire se soit engagé à sortir du charbon.

Cependant il doit y avoir vérifications de la bonne application de ces conditions, et sanctions financières le cas échéant, sinon c’est la porte ouverte au gaz fossile.

Comme les parlementaires n’auront plus à se chamailler sur le nucléaire, ils pourront s’attacher à surveiller ce qu’il se passe du côté du gaz, et que la réglementation et l’esprit de la réglementation sont bien suivis !

  • La bataille a-t-elle été rude ?

Oui, et elle dure depuis fin 2018.

Cette décision sur la taxonomie couvre un champ technologique extrêmement large. Si l’intégration des énergies éolienne et solaire s’est faite sans débat, voire sans analyse ni consultation, l’hydraulique et la biomasse, ainsi que d’autres technologies touchant l’agriculture ou la mobilité, ont fait l’objet de vives discussions. Cependant c’est le nucléaire qui aura mobilisé un débat d’une intensité et d’une durée sans précédents dans l’histoire de l’Union. C’est une indication de la polarisation et des sentiments très forts qui animent les parties prenantes, et influent sur les intérêts des nations et des acteurs économiques sur le sujet.

  • Quelle a été l’état des forces en présence ?

Au Conseil, L’Autriche, le Luxembourg, l’Allemagne, l’Espagne et le Danemark ont affirmé leur opposition à l’acte délégué complémentaire sur le nucléaire et le gaz.

Au Parlement européen, malgré une objection à cet acte délégué complémentaire votée en commissions parlementaires, la proposition s’opposant à l’inclusion des activités nucléaires et gazières à la liste des activités durables a été rejetée en séance plénière, permettant donc à cet acte délégué d’être adopté par le Parlement.

  • Quelle a été la contribution des Voix ?

– Première alerte dès 2018 dans le cadre des premières réflexions portant sur la structuration de la finance verte à l’échelle européenne.

– Participation à l’ensemble des consultations sur le sujet, et notre entrée au registre de la transparence à cette occasion.

– Des rencontres avec des cabinets et des parlementaires.

– Une veille et un partage constant sur la durée avec les autres associations européennes.

– Notre premier petit-déjeuner de presse et dossier de presse, et nos remerciements à Valéry de Laramée, seul journaliste à avoir fait le déplacement alors 😊

– Une candidature à la plateforme d’experts transpartisane établie sur le sujet.

– Envoi d’une lettre ouverte de 46 ONGs à la Commission européenne.

– Des communiqués de presse, des campagnes de courriers aux parlementaires, des actions de pédagogie spécifiques à destination des parlementaires et des journalistes

– Des relais sur les réseaux sociaux. De la pédagogie autant que possible.

– Et bien sûr, un « Final Stand ». Pas si “final” que ça finalement 😊

Rien en comparaison des efforts déployés par les ONGs antinucléaires, mais notable parce qu’une première pour un mouvement citoyen et pronucléaire, pour des actions menées dans le respect des institutions et des principes démocratiques, et nécessaire pour rappeler que les antinucléaires ne représentent pas l’opinion, qu’ils ne sont pas détenteurs de l’intérêt général, que des citoyens, au vote aussi important que le leur, pensent autrement.

Merci à tous ceux qui nous ont soutenus, à ceux qui ont mené cette bataille aussi de leur côté. Ce fut très long (surtout quand vous n’êtes pas payés pour le faire), et pour ce qui est de rétablir un réel équilibre, cela ne fait que commencer.

  • Qui d’autres doit on remercier ?

Tous ceux qui nous ont fait confiance déjà et qui ont suivi et relayé nos actions: vous. Foratom absolument qui s’est battu à 1 contre 100, plusieurs gouvernements, en particulier les pays d’Europe centrale et orientale, République tchèque et Pologne en tête, le gouvernement français, les industriels qui a un moment ont du lever le pied pour ne pas pénaliser la perception du soutien obtenu, les autres ONG pronucléaires, certains parlementaires français mais pas tous, et en particulier pas le président de Commission Environnement du Parlement représentant pourtant de la majorité présidentielle française.

  • Est-ce terminé ?
    • Après la transmission du texte aux États membres et la consultation des experts sur la finance durable, la Commission européenne a adopté l’acte délégué le 2 février 2022. Le Parlement européen l’a adopté le 6 juillet 2022.
    • Le Conseil de l’Union européenne a donné son aval au texte le 11 juillet 2022, scellant l’inclusion du nucléaire dans l’acte délégué complémentaire.
    • La prochaine « bataille de la taxonomie » aura vraisemblablement lieu dans 3 ans, à l’échéance de révision possible du texte.
  • Et maintenant ?
    • Vient la bataille de l’interprétation : quelle version « restera dans l’histoire ». Par ailleurs l’environnement reste difficile, et les obstacles aux projets nombreux et disproportionnés ;
    • La révision des critères techniques d’éligibilité intervenant dans quelques années devra être l’objet d’une vigilance particulière ;
    • Il est temps de construire des réacteurs !

L’Autriche et le Luxembourg ont déjà annoncé qu’ils introduiront une action en justice contre cette décision de classer les projets nucléaires et gaziers en tant qu’investissements « verts ». Ce recours devrait être déposé devant la Cour de Justice de l’Union Européenne à la rentrée. L’Espagne et le Danemark ont aussi signalé qu’ils allaient envisager de se joindre à la procédure. L’Allemagne, en revanche, qui avait initialement déclaré qu’elle allait « examiner » l’option d’une action en justice, a finalement décidé de ne pas en faire autant.

Focus sur les conclusions du Centre Commun de Recherche

Le CCR note que les effets non radiologiques sur l’environnement et la santé sont causés en très grande majorité par la phase d’extraction minière et de broyage de l’uranium, sauf pour les émissions de gaz à effet de serre causées en majorité par la phase d’exploitation des centrales. Ces impacts générés par les effets non radiologiques du nucléaire sont dans l’ensemble comparables à ceux de l’hydroélectricité et des énergies renouvelables. A titre d’exemple, le CCR relève que les émissions de gaz à effet de serre du nucléaire sont égales à celles de l’hydroélectricité et de l’éolien, et que l’impact en termes d’occupation des sols est significativement inférieur à celui du photovoltaïque. Si le CCR note que les impacts sur les ressources en eau existent (risque d’impact thermique des cours d’eau et importante consommation d’eau), il estime qu’ils peuvent être contrôlés.

Le CCR conclut que les effets radiologiques sur l’environnement et la santé sont une nouvelle fois causés principalement par les phases d’exploitation minière et de broyage de l’uranium, d’exploitation des centrales et de retraitement du combustible nucléaire usé. Il relève également que le taux annuel moyen d’exposition à des radiations ionisantes causées par l’énergie nucléaire est 10 000 fois inférieur aux doses attribuables aux sources de rayonnement naturel.

Le CCR estime qu’il existe un large consensus scientifique sur le fait que l’élimination des déchets de haute activité et du combustible usé par stockage en couche géologique profonde est techniquement faisable et est considérée en l’état des connaissances actuelles comme la solution de long terme la plus sûre.

Lors des phases pré-opérationnelle (conception et construction du site) et opérationnelle (mise en stockage des déchets radioactifs et fermeture du site), la combinaison de barrières artificielles et du contrôle institutionnel assure la sécurité de la technologie tout en permettant la réversibilité des stockages.

Lors de la phase post-opérationnelle (surveillance puis arrêt de la surveillance), ce sont les barrières artificielles couplées aux barrières naturelles (propriétés des couches géologiques dans lesquelles les déchets sont stockés) qui permettent d’éviter les rejets et les intrusions sans intervention humaine et d’assurer l’irréversibilité du stockage pendant des centaines de milliers d’années. En outre, le CCR rappelle que le stockage en couche géologique profonde fait face aux mêmes enjeux que la technologie de capture de carbone (notamment en raison de l’absence actuelle d’opérationnalité de la technologie), qui a pourtant reçu une évaluation positive du TEG.