La fusion nucléaire

Les centrales nucléaires existantes fonctionnent grâce à la fission nucléaire – soit la réaction d’un noyau atomique lourd lors de la capture d’une autre particule (généralement un neutron). Ce dernier se désintègre alors en plusieurs fragments. Une importante quantité d’énergie est libérée et sert à chauffer de l’eau ou du gaz qui ira actionner une turbine ce qui permet de produire de l’électricité.

A contrario, la fusion nucléaire est une réaction lors de laquelle deux noyaux atomiques s’assemblent pour former un noyau plus lourd. Ce phénomène génère lui aussi d’énormes quantités d’énergie – une réaction notamment responsable de l’embrasement du soleil et des autres étoiles de l’univers. L’importante énergie ainsi produite serait alors transmise sous forme de chaleur, et servirait à actionner une turbine, comme dans les centrales à fission.

Il ne faut pas confondre la fusion nucléaire avec la fusion du cœur d’un réacteur nucléaire qui est un accident critique – qui ont notamment eu lieu lors des catastrophes de Tchernobyl et Fukushima.

De toutes les réactions connues, c’est celle causée par la fusion entre le deutérium (D) et le tritium (T), tous deux des isotopes de l’hydrogène (H), qui se révèle la plus efficace en l’état actuel de notre connaissance. A l’état naturel, deux atomes se repoussent du fait de leurs charges électriques toutes deux positives – comme deux aimants. Cela s’appelle le principe de la barrière coulombienne. Il devient cependant possible de contourner ce phénomène et de les forcer à fusionner en les portant à des températures de plusieurs millions de degrés.

L’énergie minimale à fournir pour obtenir une fusion est de 4 keV (équivalent à une température de 40 millions de degrés). Mais pour que la réaction permette de récupérer plus d’énergie que l’énergie consommée pour causer de la fusion, il faut atteindre un seuil de 10 keV soit 100 millions de degrés[1]. On parle de seuil d’ignition.

La principale difficulté est donc de maîtriser l’énergie colossale nécessaire pour provoquer la fusion, mais aussi celle dégagée par la réaction. Pour ce faire, il est nécessaire de développer des réacteurs volumineux, complexes et coûteux. Le combustible y est porté à une telle température que ses atomes perdent un ou plusieurs électrons périphériques et qu’il forme du plasma. Ce dernier est constitué de particules chargées et d’un fluide gazeux très conducteur.

Pour rester à des températures aussi élevées, mais aussi pour protéger le réacteur de ces chaleurs extrêmes, le plasma doit être confiné loin des murs réfrigérés de l’enceinte (tout juste au-dessus du zéro absolu[2]). Si le plasma touchait les parois, sa température chuterait subitement, mettant un terme à la réaction. Aussi, pour le maintenir au centre du réacteur, on peut utiliser un champ magnétique qui utilise des aimants puissants, ou des lasers très puissants mais très brefs (confinement inertiel).

De nombreux travaux de recherche réalisés dans le monde entier depuis 70 ans afin de tenter d’atteindre ce seuil. Aucun n’a permis de concevoir un réacteur capable de produire du courant électrique à ce jour.

Si ces conditions rendent la fusion très difficile à réaliser, elle offre un atout majeur dans un monde fini, avec une population croissante et l’urgence croissante de réduire nos impacts environnementaux : elle permet de libérer une énergie près de quatre millions de fois supérieure à la combustion du charbon, du pétrole ou du gaz, et quatre fois supérieure à celle des réactions de fission nucléaire[3].

Au-delà de ce point majeur, la fusion nucléaire permet également d’autres intérêts :

  • Ses combustibles (le deutérium, naturellement très abondant dans les océans et le tritium qui pourrait garantir plus d’un million d’années de fonctionnement) sont quasiment inépuisables ;
  • Elle ne produit pas de déchets radioactifs à vie longue ;
  • Elle n’émet pas de CO2 ;
  • Elle réduit considérablement risque de contamination radioactive du fait des faibles quantités de combustibles dans le réacteur (de l’ordre du gramme) ;
  • L’emballement de la réaction ou la fusion du cœur sont impossibles (en cas de perturbation, le plasma se refroidit en quelques secondes et les réactions cessent).
Nouveau record en fusion nucléaire :   Le 8 août 2021, le National Ignition Facility en Californie est parvenu à causer une réaction de fusion nucléaire dont la puissance dégagée a atteint 1,35 mégajoules, soit huit fois plus que le seuil précédent. Cette réaction représente 70% du seuil d’ignition, soit le point où l’énergie dégagée par la fusion est supérieure à celle nécessaire pour causer la réaction. C’est à partir de ce point qu’un réacteur devient économiquement intéressant.   « Ce résultat irradie toute la communauté de la fusion, et crédibilise la fusion nucléaire sur le long terme. Cela fait dix ans qu’on s’approche ; maintenant c’est une question de mois avant de dépasser le seuil d’ignition », a réagi Daniel Vanderhaegen, directeur du Programme Simulation de la Direction des Applications Militaires au CEA.   Malgré cette avancée importante, la conception et le déploiement de réacteurs prendra encore du temps. En se basant sur le déploiement d’autres sources d’énergie (photovoltaïque, éolien et centrales à fission nucléaire) le think tank Zenon Research estime ainsi que la fusion pourrait ne couvrir que 1 % de la demande énergétique mondiale (valeur 2019) vers 2090.

Le projet de fusion le plus avancé est le projet de Réacteur expérimental thermonucléaire international (ITER, soit « chemin » en latin), mené par sept la Chine, la Corée du Sud, Les États-Unis, la Russie, l’Inde, le Japon et l’Union européenne). Installé à Cadarache, en France, il a pour objectif d’atteindre un gain de production de 10 – le plasma sera chauffé par 50 mégawatts de puissance et doit générer 500 mégawatts. Le premier test est attendu officiellement pour fin 2025, avec une démonstration opérationnelle de la fusion prévue vers la fin des années 2030.

Il est étroitement associé au projet euro-japonais d’installation internationale d’irradiation des matériaux de fusion (IFMIF) qui a pour but de tester et de sélectionner des matériaux capables de résister aux conditions extrêmes de la fusion. Les deux visent à aboutir au projet de centrale de démonstration à fusion (DEMO) vers 2050.

 Le Royaume-Uni a récemment lancé le projet STEP (Spherical Tokamak for Electricity Production) qui vise à développer un réacteur connecté au réseau dans les années 2040.

La Chine poursuit avec CFETR veut également démontrer la possibilité d’une production électrique par fusion autour de 2040.

Il existe par ailleurs une trentaine d’initiatives privées qui travaillent sur la fusion, dont certaines financées par des grandes fortunes comme Jeff Bezos ou Bill Gates.


[1] Techno-Science – Fusion nucléaire – Définition et Explications

[2] Voyage au cœur des atomes – LA FUSION NUCLÉAIRE – L’AVENIR DE L’HUMANITÉ – (épisode 7)

[3] ITER – Avantages de la fusion